9 Février 2017
Le 4 février 2017, ma fiche de lecture :
« Mes mille et une nuits , la maladie comme drame et comme comédie » par Ruwen Ogien.
Que je vous encourage à lire, passionnant !
R.O. s'élève tout au long de son livre contre le dolorisme : philosophie qui tend à considérer que la douleur, la souffrance nous élève dans notre vie intérieure ou notre spiritualité… venant évidemment de la souffrance rédemptrice des religions monothéistes, mais persistant en dehors...
démentie par les faits : le malade chronique s'occupe d'abord de ce qu'il doit faire : analyses, examens, prise de médicaments, en évaluer les effets indésirables, et le reste du temps, essayer d'avoir quand même un peu de vie sociale, de « profiter » de la vie pendant qu'il le peut encore.
Il questionne : qu'est-ce qu'une « maladie » ?
comment la définit-on ? Variances des définitions.
La maladie n'est pas seulement un état physique ou organique mais une condition sociale. (p123)
On a empêché de mourir un certain nombre de « malades » mais on a formé une classe massive de « malades chroniques » n'ayant aucun espoir de guérir mais pouvant mener une vie sociale malgré leur état.
Le droit d'être malade signifie le droit à une assistance médicale et sociale.
Du point de vue de la sociologie (et Ogien cite abondamment Parsons), le malade ne remplit plus ses devoirs sociaux, il ne participe plus au système de production.
Il doit donc prouver qu'il n'est ni un déserteur, ni un fainéant, ni un simulateur.
Il est en quelque sorte coupable d'être malade.
D'où les ordres gouvernementaux et médicaux concernant la prévention des maladies par le futur malade (tout citoyen) : nous serions responsables (coupables ?) de tout ce qui nous arrive en matière de santé et de maladie. (p141)
Vu ainsi, le médecin joue le rôle d'un agent de contrôle social. (p 128 à 132)
Le patient-expert, le patient-autonome : nouvelles conceptions
Le malade devient consommateur de biens de santé… (p144 à 148)
Riches et pauvres : inégalité flagrante. (p149 et suivantes)
La maladie chronique : produite par les médecins, source de profits chroniques. (p152 et suivantes). Les médicaments qui guérissent sont bons pour le patient mais pas pour l'industrie pharmaceutique.
La fin des privilèges des médecins ? (p156 et suivantes)
indépendants de l’Église, puis indépendants de l’État…
affaire d' « experts », hors d'atteinte des patients profanes…
menacé par le contrôle par l'état des finances publiques affectées à la santé.
J'ai le sentiment d'être un déchet social depuis ma n ième chimiothérapie… ( p160)
Il m'a fallu du temps pour prendre conscience de mon état, en raison probablement de mon penchant à nier les réalités les plus pénibles, et ce malgré les allusions de plus en plus lourdes des médecins … Je peux lire et écrire comme je le souhaite, c'est le principal.
Pour certains médecins, la quantité de vie a plus d'importance que sa qualité, et ce sans se préoccuper du coût des soins donnés, de plus en plus chers, assurés en très grande partie par la collectivité. (p 200 et suivantes)
Combien serais-je personnellement prêt à payer pour allonger ma vie de deux jours, de 8 jours, etc. ??? je n'en sais rien.
Pourquoi ne pas me suicider afin de laisser la place aux plus jeunes sans trop attendre ou transférer plus tôt un patrimoine ?
Ce serait une forme de politesse vis à vis des jeunes générations.
Définition de « la » maladie :
La maladie mentale, classification du DSM : définitions variables selon la société environnante… (p210). Mais la maladie physique n'échappe pas au relativisme social. (p212)
Les 4 grands principes de l'éthique médicale :
non malfaisance / bienfaisance, autonomie du patient, justice.
MAIS
non malfaisance = ne pas provoquer la mort, pourtant 1/3 des décès sont imputables à l'hôpital, en lien avec une décision médicale.
autonomie : les directives des patients sont loin d'être toujours respectées.
Une nouvelle éthique de la « vulnérabilité » s'oppose à l'autonomie des patients.
Justice sociale : bafouée par de grandes inégalités, inquiétante : la frontière entre recherche et soin semble floue.
Les réponses doloristes me paraissent particulièrement infondées et dangereuses dans la mesure où elles contribuent à discréditer la souffrance de personnes atteintes de grave maladie, à renforcer la violence sociale qui s'exerce à leur encontre, et à protéger certaines formes de paternalisme médical. (p 236/237)
J'ajouterai : « ne pas nuire » n'est pas l'équivalent de « bien faire ».
Pour moi, « bien faire » c'est accompagner le malade dans son chemin de vie, de mort, avec le plus grand respect, en tenant compte de sa personnalité, de sa philosophie de vie, de ses demandes (écouter d'abord, dire la vérité ensuite, expliquer) , et de son entourage.
Le médecin n'a pas de supériorité vis-à-vis du malade, ce sont deux êtres humains complémentaires : le médecin a certaines connaissances « scientifiques » , le malade vit la maladie dans son corps, avec son entourage, selon sa philosophie propre, il est le seul à avoir cette connaissance de lui même.