18 Décembre 2018
Tribune parue dans le Journal International de Médecine le 14 avril 2018
Paris, le samedi 14 avril 2018 - Annie m’autorise à remettre son texte dans mon blog :
mes commentaires sont en bleu.
Destinée à répondre aux limites de la première loi Leonetti sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, la loi Claeys-Leonetti, adoptée en février 2016, a notamment instauré un droit à « la sédation profonde et continue ».
Cette dernière peut être demandée par les personnes "en fin de vie", répondant à certains critères et doit être mise en place, si ces derniers sont remplis, par l’équipe médicale.
Ce texte a été présenté par les décideurs politiques comme un consensus parfait permettant de satisfaire ceux qui appellent depuis des années en France à une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté et ceux qui redoutant les dérives et défendant une conception différente de la fin de vie et de la liberté de choisir refusent une telle évolution. Pourtant, beaucoup ont été déçus.
Il faut rappeler qu’un consensus concernant la fin de la vie, naturelle (très rare avec la médecine actuelle qui réanime de gré ou de force), choisie ou décidée par les médecins, est impossible :Il ne s’agit donc en aucun cas de trouver un consensus impossible mais de
RESPECTER LE CHOIX DE CHACUN.E. REDONNER AU CITOYEN LE POUVOIR SUR SA VIE, SA SANTE, SA MORT.
La loi doit donc préciser que c’est à chacun.e de décider de la façon de gérer sa vie jusqu’à la fin.
La loi permet de l’écrire dans les directives anticipées, donc tous ceux qui savent ce qu’ils veulent doivent l’écrire, ensuite, la loi doit obliger les médecins (au service des patients-clients) à respecter les volontés de chacun.e, y compris pour le choix de la mort volontaire lorsqu’il/elle devient incurable et que, pour soi-même, la vie ne vaut plus la peine (peine = souffrance) d’être vécue.
Le premier rôle de la médecine est de ne pas aggraver les souffrances par des traitements non nécessaires,
de les soulager au mieux, et parfois il n’y a que la mort qui délivre des souffrances de la fin de la vie.
Les premiers ont en effet considéré que ce texte continuait à réserver aux médecins la décision finale.
Ils ont surtout regretté que cette méthode ne permette pas un choix réel du moment de sa mort. L’endormissement prive en effet de derniers instants de lucidité et ne permet pas d’être totalement assuré de l’absence totale de souffrance (puisque le contact avec la personne est rompu).
Les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté sont nombreux à partager ce sentiment que la dignité offerte par la sédation profonde et continue est une dignité déguisée, altérée, puisque la conscience est absente.
Ces derniers s’inquiètent par ailleurs d’un risque de dérive.
Mais au-delà de ces réflexions qui demeurent théoriques jusqu’à l’instant d’accompagner un proche (ou de mourir soi-même !), comment se passe réellement la sédation profonde et terminale ?
Militante en faveur de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté (elle a été pendant des années déléguée de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité avant de rejoindre l’organisation Le Choix - Citoyens pour une mort choisie), Annie Babu, assistante sociale, infirmière et pionnière en France de la médiation familiale, témoigne de son expérience.
Dans son récit, composé avec l’écrivain Marie Godard fondatrice de l’association Le Choix - Citoyens pour une mort choisie, elle rappelle tout d’abord l’écart qui existe entre une conviction militante, fondée sur des années de réflexion, et le vécu.
Elle avoue ainsi qu’elle a dû, au moment d’accompagner son compagnon, se renseigner sur la mise en place d’une sédation profonde en Hospitalisation à domicile (HAD), tandis qu’elle révèle comment elle n’avait pas envisagé l’ensemble des enjeux, notamment ceux concernant le ressenti des médecins.
Mais surtout, cette expérience, même si l’accompagnement médical dont son compagnon a bénéficié a été optimal et même si la sédation a pu être mise en place d’une manière adaptée (en dépit de quelques détours et ratés), a renforcé sa conviction que la sédation profonde et continue ne saurait être la réponse à toutes les demandes et à la conception que beaucoup se font de la mort dans la dignité.
En signalant les problèmes posés par l’anéantissement de la conscience, en revenant sur des possibles inégalités, en s’interrogeant sur le respect des directives anticipées, elle soulève des questions qui, à travers ce témoignage sans animosité et sans militantisme, interpelleront probablement beaucoup de nos lecteurs, quelles que soient leurs convictions profondes.
Cette contribution enrichira également la réflexion à l’heure où les Etats généraux de la bioéthique reviennent encore sur ce sujet et au lendemain de l’adoption après un riche débat d’un avis favorable à la légalisation de l’euthanasie par le Conseil économique social et environnemental (CESE).