28 Mars 2020
Sylviane Bourgeteau est Journaliste-correspondante à la retraite
auteur de "ma vie m'appartient, ma mort aussi":
http://data.over-blog-kiwi.com/0/80/47/12/20140519/ob_5945f1_ma-vie-m-appartie-ma-mort-aussi.pdf
merci pour ce nouveau texte:
Encore ce matin, sur une chaîne d'info, un chef de service d'un hôpital parisien l'affirmait
« nous n'avons pas de places pour tout le monde, lorsqu'un lit se libère si nous avons deux patients en attente, un de 30 ans et l'autre de 60 ans, notre choix se portera sur celui de 30 ans ».
Plus qu'une information : c'est une sentence. Une sentence de mort !
Depuis l'engorgement du Grand Est, le sujet du « tri » est d'actualité.
Moi, j'ai 62 ans et je suis sous traitement d'AINS que je ne peux pas suspendre car c'est le traitement de base d'une maladie chronique et auto-immune dont je souffre.
Je rentre donc dans la pire catégorie du « tri » puisque les AINS développeraient des formes graves de Covid-19. Celle de ceux qui n'ont presque aucune chance de s'en sortir.
Alors, à chaque fois que j'entends des informations sur le « tri », je sais, qu'en cas de contamination et d'aggravation, on ne me donnera pas de lit et qu'on me laissera mourir.
Soit à l'hôpital, soit en me renvoyant mourir chez moi.
Que croyez-vous que ressentent les personnes de plus de 60 ou 70 ans en entendant cette information-sentence de mort ?
Nous sommes très nombreux dans cette frange de la population.
Que faire en cas de contamination et dès les premiers signes de complication respiratoire ?
Affronter la réalité d'une mort imminente...
Certains le font, d'autres préfèrent le confort mental du déni.
Personnellement, un sujet encore tabou s'impose à moi : le suicide.
Mourir dans seule dans un couloir d'hôpital ou mourir seule chez moi ? Puisque je vis seule. Je préfère chez moi.
Donc mourir seule chez moi dans les horribles souffrances d'une détresse respiratoire ?
C'est à dire par asphyxie ? Non ! Je dois me suicider avant.
Mais comment ? Avec quoi ? qui va répondre à ma question?
Et pourtant, aujourd'hui, c'est l'hôpital qui pourrait décider de ma mort par « tri » mais aussi des conditions horribles dans laquelle elle interviendrait.
Je suis en colère !
Si l'hôpital ne peut pas me soigner, et j'en comprends les raisons, source d'une autre et profonde colère, qu'elle me donne les moyens d'avoir une mort douce.
Enfin, si je dois affronter la situation décrite ci-dessus, ma colère la plus grande, ma fureur, ma rage, mon dégoût seront directement et essentiellement dirigés vers les gouvernements successifs qui ont « cassé » l'hôpital et envoyé des milliers de Français au pire « casse-pipe ».
J'avance « des milliers » car il faudra bien un jour faire aussi le compte de tous ceux que l'on a renvoyé chez eux mourir d'une fin horrible.