Paris le 24 mai 2021
A monsieur Jean CASTEX
Premier Ministre de la République Française
Monsieur le Premier Ministre,
Le 17 mai 2021, 296 députés appartenant à des partis politiques allant de la droite à la gauche, vous ont demandé d’accepter que le parlement puisse continuer à débattre sur les autres articles du projet de loi n° 288 présenté par le député Olivier Falorni. L’article premier ouvrant le droit à une aide médicale à mourir pour les malades atteints de maladies graves et incurables, souffrant de douleurs inapaisables a été voté par une large majorité de députés présents (240 pour, 48 contre).
Une infime minorité a confisqué la poursuite du vote démocratique en déposant près de 4000 amendements. Qu’une telle proposition de loi suscite une vraie confrontation entre partisans et adversaires est la preuve d’une vie démocratique. Les lois précédentes portant sur ce sujet, votées à l’unanimité, car trop floues ou trop ambiguës, n’ont répondu aux attentes ni des citoyens ni des soignants. Dans le passé, aucune véritable loi sociétale n’a été votée sans débat parlementaire houleux et c’est l’honneur de la démocratie d’accepter la confrontation d’idées.
Les 296 parlementaires qui vous ont écrit, ces hommes et ces femmes qui sont nos élus, nos représentants, réclament la possibilité de poursuivre leur travail. Ne les décevez pas, ne nous décevez pas. Votre réponse estimant que ce n’est pas le moment n’est pas recevable. Depuis quarante ans, ce n’est jamais le moment de répondre à la très grande majorité des citoyens qui réclament une loi plus humaine permettant à chacun de choisir sa fin de vie.
Vous-même, monsieur le premier ministre, vous serez un jour immanquablement confronté à cette question existentielle et ce jour-là que choisirez-vous : la déshydratation lente de votre corps que préconise la loi actuelle et l’attente de souffrir de douleurs incontrôlables pour espérer une sédation « profonde et continue » qui prolongera votre agonie d’une durée inconnue, souvent longue et douloureuse pour vous et votre famille ? Ou, souhaiterez-vous avoir la liberté de choisir de partir rapidement et paisiblement ? Peut-être alors, comme tant d’autres, irez-vous chercher à l’étranger l’aide que notre pays nous refuse.
Sur ce sujet qui transcende les partis politiques, il n’est pas démocratique d’empêcher les élus du peuple de poursuivre leur travail. Pour nous, ce projet de loi n’est pas parfait, encore trop restrictif, soumis à trop de contrôles superfétatoires, mais il est un compromis. Alors, laissez les élus délibérer en conscience, sans obligation d’obéir à un ordre supérieur. Un seul homme, fut-il Président, ne peut décider du sort de la société.
En laissant voter cette loi réclamée par 90 % des français, qu’avez-vous à craindre ? Que les petits groupes sectaires qui s’opposent systématiquement à tout changement de société manifestent ? Cela est-il suffisant pour stopper le débat démocratique ?
En un temps où nos voisins européens ( Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Suisse, Espagne, Portugal, mais aussi Allemagne, Italie, Autriche…) évoluent sur cette question fondamentale, il serait surprenant que le gouvernement de la France, pays des droits de l’homme, refuse à nos élus le droit de s’exprimer.
Nous comptons sur vous, monsieur le Premier Ministre, pour inscrire très rapidement dans l’agenda parlementaire le temps nécessaire à la poursuite du débat sur la fin de vie. Votre gouvernement s’honorerait à laisser les élus voter une loi qui, a coup sûr, marquerait positivement le quinquennat présidentiel.
Veuillez accepter, Monsieur le Premier Ministre, nos très respectueuses salutations.
Les co-présidents de l’association Le CHOIX-Citoyens pour une mort choisie
Nathalie ANDREWS et Docteur Denis LABAYLE