30 Mars 2023
Mme Salenson Jacqueline
6 place de la libération, 81600 Gaillac
lettre ouverte adressée aux députés et sénateurs du Tarn, Tarn et Garonne et Aveyron
Madame, Monsieur,
Qui suis-je ?
77 ans, cancer du sein traité, prothèse de genou qui m'invalide : douleur permanente impossible à guérir, sauf peut-être avec le temps ? Je vis seule depuis plus de 20 ans. Mes enfants sont indépendants et je ne veux pas devenir une charge pour eux.
J'ai vu mourir ma grand mère, mon père et ma mère dans des conditions intolérables.
J'ai accompagné des personnes pour une mort choisie en Suisse, heureux d'être enfin écoutés pour mourir en paix.
Adhérente et militante de la fin de vie selon son choix depuis 2004, adhérente au Choix dès sa création en 2018, actuellement je suis administrative du Choix et co-responsable de la région Segala (81 82 12)
Adhérente aussi a Ultime Liberté depuis 2009 : cette association insiste plus sur le droit au suicide et la liberté de cet acte, ce qui me convient tout à fait : élevée avec les stoïciens et les épicuriens je pense que la mort volontaire est la plus belle mort, lorsqu'elle se passe en s'endormant.
Mais si demain je suis victime d'un AVC, d'un accident de voiture qui me laisse en piteux état et me rende incapable de me suicider, je veux qu'un médecin puisse être autorisé à m'aider à mourir en douceur, dès lors que mes souffrances morales et physiques sont incurables et rendent le reste de ma vie insupportable pour moi.
Les deux sont indispensables : la possibilité d'être aidé pour un suicide raisonné, et la possibilité d'être aidé par un médecin pour mourir selon son choix, y compris vite et bien (en s'endormant, la mort venant ensuite en quelques minutes)
Tous reconnaissent que la loi de santé actuelle 2016 ne permet pas à tous des morts sereines, entourés de ceux qu'ils désirent auprès d'eux.
Trop de morts cachées dans les hôpitaux, pas assez de morts chez soi, entourés, comme les gens le demandent en majorité.
La sédation profonde et continue de malades incurables en situation de grande souffrance est donnée au compte gouttes, de peur d'être confondue avec l'euthanasie jusque là assimilée à un assassinat, ce qu'elle n'est en aucun cas. Le décret d'application la limite aux 2/3 derniers jours d'agonie, c'est très insuffisant. Et dans la plupart des cas on ne tient pas compte des directives anticipées du patient lorsqu'elles existent, c'est légal !
Il faut absolument étendre la sédation continue (maximum 3 jours) a ceux qui la demandent, pour des souffrances incurables et intolérables, quelles que soient leur origine.
Sans directives anticipées, sans personne de confiance, le médecin devra se rappeler que l'obstination déraisonnable est interdite et que laisser souffrir atrocement un mourant est inhumain. Alors ce sera à la médecine de décider.
Il faut absolument que soit faite une campagne d'information pour faciliter l'écriture des directives anticipées : il suffit de poser les bonnes questions : que refusez vous, qu'acceptez vous pour votre fin de vie pour que chacun.e puisse y réfléchir et écrire ses directives anticipées plus choisir une personne de confiance apte à les remplacer dans les discussion indispensable avec les médecins ?
Il faut aussi permettre aux médecins qui le voudront d'aider à mourir par acte euthanasique rapide et programmé ceux qui le demandent de façon répétée et pour lesquels c'est la seule solution pour mettre fin à une vie de souffrances incurables intolérable pour eux mêmes.
La loi de 1987 limitant le libre accès du citoyen français à l’information sur les méthodes de suicide, la loi de non assistance à personne en danger punissant quiconque, ayant eu connaissance d’un projet de suicide, n’y a pas fait obstacle, et les lois et règlements menaçant d'internement ou de soins psychiatriques sans nuance toute personne suicidaire, sont d’un anachronisme manifeste dans leurs dispositions actuelles.
Il faut les modifier.
Censurer la connaissance des produits toxiques est de plus dangereuse car on pourrait les utiliser par ignorance.
Je sollicite votre soutien lors du processus législatif sur la fin de vie prévu au printemps prochain. Je demande que la France ne stagne pas dans une situation de déni de démocratie citoyenne, mais prenne en compte, outre les premiers résultats encourageants de la convention citoyenne sur la fin de vie, l’opinion déjà exprimée par 96 % des Français lors du sondage IPSOS de 2019.
Ce dernier a révélé le besoin d’une transformation profonde de la législation française pour que la mort volontaire, suicide assisté, euthanasie volontaire, soit désormais explicitement reconnue en droit français comme une liberté du citoyen majeur et juridiquement capable de choisir les conditions ultimes de sa fin de vie et pour que soit notamment légalisé l’accès à une dose létale ou tout autre moyen permettant la mort volontaire la plus « douce » et la plus rapide possible, dans des conditions de sécurité pour tous les autres membres de la société.
Cette évolution permettra à chaque Français de choisir sa fin de vie, sans limiter cette possibilité aux plus favorisés disposant des moyens nécessaires pour se rendre dans des pays voisins aux législations plus ouvertes.
Il faudra évidemment développer des soins palliatifs donnés par TOUS les médecins, avec une formation continue, comme la circulaire Laroque le demande depuis 1986 ! sans exclure les demandes de mort anticipée tant par sédation que par aide active à mourir.
Une telle évolution législative permettra en recentrant la décision sur la personne concernée et nul autre de rassurer des Français qui n’ont pas peur de mourir, mais peur de mal mourir, souvent dans une souffrance psychologique écrasante.
Je vous prie de croire à l’assurance de ma haute considération.