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fin de vie : droit à la mort volontaire accompagnée par un médecin pour que les lois permettent enfin aux médecins de RESPECTER les volontés de tous les citoyens quant à leur vie, leur santé, leur mort, exprimées dans leurs DIRECTIVES ANTICIPEES avec leur PERSONNE DE CONFIANCE nommée par écrit, Y COMPRIS en cas de DEMANDE D'IVV = interruption volontaire de vie , lorsque la mort s'annonce

L’EXPÉRIENCE BELGE DES SOINS PALLIATIFS ET DE L’EUTHANASIE LÉGALE.

 

LES SOINS INTÉGRAUX À LA FIN DE LA VIE.

L’EXPÉRIENCE BELGE DES SOINS PALLIATIFS ET DE L’EUTHANASIE LÉGALE.

Par Jan L. Bernheim MD PhD

Professeur émérite de Médecine et d'Éthique Médicale.

End-of-Life Care Research Group,

Vrije Universiteit Brussel, Belgique

Correspondance: jan.bernheim@vub.ac.be

 

INTRODUCTION:

 

L’euthanasie, à savoir l'abréviation, à sa demande, de la survie d’une personne informée et disposant de ses capacités intellectuelles n’est à présent réglementée et légale que dans les pays du Benelux.

 

Bien que dans tous les autres pays avancés des sondages aient mis en évidence une forte majorité en faveur de l’euthanasie, d’influents professionnels et politiciens y ont jusqu’à ce jour fait barrage.

 

Les principaux motifs invoqués pour s’opposer à l’euthanasie légale sont les craintes qu’elle n'entraine des dérives inadmissibles, n'érode la confiance en la médecine et ne se substitue aux Soins Palliatifs (SP).

De fait, les SP sont l’alternative « qualité de vie » à l’acharnement thérapeutique, et constituent incontestablement une avancée dans la maîtrise du destin humain.

Cependant, lorsqu'elle a initié les SP au Royaume Uni dans les années 50, un objectif explicite de Dame Cicely Saunders était aussi la prévention et la dissuasion de l’euthanasie.

Bien que les SP et l’euthanasie partagent leurs principales valeurs éthiques, dont œuvrer au bien du patient, le respect de son autonomie et l’aversion pour l’acharnement thérapeutique, ailleurs qu’au Benelux, les SP et l’euthanasie légale sont considérés comme des développements sociétaux antagonistes et des causes politiques opposées.

La majorité de la communauté palliative internationale s’oppose à l’euthanasie.

Notoirement, en 2003, l’European Association for Palliative Care (EAPC), puissante organisation professionnelle, déclarait que “l’euthanasie ne relève pas de la responsabilité des SP” et s’opposait à sa légalisation parce que l’euthanasie légale :

1) en paraissant être une alternative aux SP, pourrait entraver leur développement

2) comme boite de Pandore, pourrait donner lieu à une dérive euthanasique, pente savonneuse aux dépens de patients vulnérables.

 

Depuis 2002 aux Pays Bas et en Belgique et 2009 au Luxembourg, l’euthanasie est légale lorsque demandée par un adulte informé et compétent souffrant irréversiblement d’une maladie fatale, et pratiquée soigneusement par un médecin après consultation d’au moins un collègue indépendant et rapportée à une Commission de Contrôle et d’ Évaluation.

La Fédération des Soins Palliatifs de Flandre a été la première organisation professionnelle au monde à adopter l’euthanasie.

Cette revue examine si entre les SP et l’euthanasie légale il y a opposition ou complémentarité et synergie, étudie le devenir des pratiques médicales à la fin de la vie sous la loi et présente le Modèle belge des Soins de Fin de Vie Intégraux.

Questions étudiées:

- La légalisation de l’euthanasie a-t-elle entravé ou stimulé le développement des SP?

- Le développement des SP a-t-il entravé ou stimulé la légalisation de l’euthanasie?

- Comment les pratiques médicales à la fin de la vie ont-elles évolué sous la loi?

- Quel est le modèle belge de soins à la fin de la vie?

Méthodes: Revue et synthèse des données belges historiques, législatives, réglementaires et épidémiologiques, publiées dans la littérature scientifique internationale.

Résultats:

ANTAGONISME OU SYNERGIE?

Alors qu’aux Pays Bas les mouvements des SP et de l’euthanasie étaient totalement distincts, l’euthanasie précédant les SP de nombreuses années, en Belgique les deux mouvements furent contemporains et ont dans les faits agi la main dans la main.

1) Les premières initiatives de SP ont été prises par des promoteurs de l’euthanasie appartenant aux Universités Libres de Bruxelles (néerlandophone VUB et francophone ULB). Ces centres avaient auparavant été les fers de lance de la contraception, l’interruption de grossesse et la procréation assistée.

Un groupe de soignants étaient en même temps propagateurs tant de l’euthanasie que des SP.

Ce qu’ils pratiquaient et défendaient étaient les Soins de Fin de la Vie Intégraux, comprenant les SP conventionnels et/ou l’euthanasie, selon les souhaits informés des patients.

2) Le développement des SP et le mouvement pour la légalisation de l’euthanasie ont étés simultanés et tous deux ont été portés par de forts courants d’opinion.

3) Quant au développement des SP, la Belgique n’était à l’échelle mondiale inférieure qu’au Royaume Uni lorsqu’en 2002 elle a légalisé l’euthanasie.

4) Pendant de nombreuses années, la participation proportionnelle la plus importante aux conférences de l’EAPC était belge.

5) La loi sur l’euthanasie a en 2002 été votée par le Parlement belge en même temps qu’une loi sur les droits des patients et une autre étendant les SP à tous les établissements de soins et à toutes les régions, doublant ses subventions et intégrant les SP dans la sécurité sociale.

6) Un quart des membres de la Commission de Contrôle et d'Évaluation de l’euthanasie sont de par la loi des palliativistes (les autres étant juristes, éthiciens et médecins universitaires).

7) Les médecins formés aux SP tendent à pratiquer l’euthanasie plus que leurs collègues qui n’y ont pas été formés.

8) Des décisions qui potentiellement ou certainement abrègent la survie sont prises plus fréquemment lorsque le patient a reçu des SP multidisciplinaires que s’il est décédé sans intervention des SP.

En conclusion, l’interaction SP et euthanasie légale a été et demeure synergistique.

PENTE SAVONNEUSE, ÉROSION DE CONFIANCE?

De robustes études épidémiologiques consécutives entre 1997 et 2008, satisfaisant les exigences des meilleures revues médicales internationales, n’ont mis en évidence aucune dérive inquiétante. Au contraire, plusieurs indicateurs de prudence lors des soins à la fin de la vie se sont améliorés. Ainsi, les décisions de fin de vie sont plus fréquemment précédées de consultations et l’incidence d'abréviations de la survie sans demande du patient a diminuée.

Avant 2002, dans le pire des cas, un malade souffrant irrémédiablement qui demandait l’euthanasie avait moins de chances d’obtenir un décès médicamenteux que s’il n’en exprimait pas la demande, car une demande d’euthanasie connue de la famille ou d’autres soignants exposait le médecin à des poursuites judiciaires.

Le nombre de malades auxquels sont administré des médicaments létaux sans demande explicite a diminué de moitié, et cette pratique est maintenant limitée aux malades moribonds et inconscients. Les personnes âgées sont sous-représentées parmi les cas d’euthanasie.

En aucun cas la Commission de Contrôle et d’ Évaluation n’a du saisir la justice.

La plus grande évolution épidémiologie depuis la loi sur l’euthanasie est en fait la nette augmentation de l’usage de la sédation terminale. Ceci s’explique par l’expansion des SP et l’attrait accru de leurs préceptes.

En conclusion, si pente savonneuse il y a, elle a été plutôt inversée.

Les soins de fin de la vie intégraux n’ont pas érodé la confiance des Belges en leur système de soins de santé, au contraire: selon les enquêtes consécutives de l’European Values Survey, ce taux de confiance est passé de 87% en 1999 à 92% en 2008, le plus haut d’Europe.

 

LE MODÈLE BELGE DES SOINS DE FIN DE VIE INTÉGRAUX

Les organisations professionnelles des SP et des généralistes, ainsi que de l’Ordre des Médecins, autrefois opposés à l’euthanasie, ont ratifié sa légalisation et se sont ralliés au concept des soins palliatifs intégraux, à savoir les soins palliatifs conventionnels avec aussi la possibilité d’euthanasie.

Dans la pratique, parmi les soignants à la fin de la vie, comme parmi le grand public, il existe une pluralité vis à vis de l’euthanasie allant de l’acceptation à l’abstention totales, et ces attitudes sont respectées. 

Cependant, plusieurs problèmes persistent :

- Une minorité d’institutions de soins confessionnelles exercent encore des pressions afin que leur personnel s’abstienne d’euthanasie.

- L’euthanasie pour les mineurs d’âge et les patients devenus incompétents s’impose parfois, mais au contraire des Pays Bas, n’est pas encore réglementée.

- Selon certaines indications, la sédation terminale continue est trop souvent appliquée sans que le patient y ait consenti ou contre ses préférences.

- Bien que le taux de déclaration des euthanasies ne cesse d’augmenter depuis 2002, il reste insuffisant, particulièrement en Belgique francophone.

- La plupart des médecins belges sont encore inexpérimentés en matière d’euthanasie et un nombre non négligeable de médecins, que ce soit pour des raisons personnelles ou par soumission à des interdits institutionnels, rejettent encore des demandes valables d’euthanasie.

- Pour pallier à ces restrictions, les soignants volontaires du Life End Information Forum (LEIF-EOL) experts en euthanasie et SP sont à la disposition de leurs collègues ayant reçu une demande d’euthanasie. Ils sont formés aux SP par des palliativistes professionnels.

 

CONCLUSIONS:

Les craintes principales des adversaires de l’euthanasie légale sont démenties par l’expérience belge.

Les données historiques, épidémiologiques, législatives et de règlementaires professionnelles démontrent que la légalisation de l’euthanasie n’a nullement entravé mais au contraire stimulé le développement des SP.

Réciproquement, comme l’avaient espéré ses fondateurs, un réseau bien développé des SP a rendu mieux acceptable la légalisation de l’euthanasie.

Le processus de légalisation de l’euthanasie a été lié au développement des SP sur les plans éthique, politique et budgétaire.

L’euthanasie fait partie des soins palliatifs intégraux.

Deuxièmement, les études épidémiologiques entre 1997 et 2008, n’ont mis en évidence aucune dérive et

la qualité des procédures de toutes les décisions de fin de la vie s’est améliorée.

La confiance des Belges en leur système de soins de santé a augmenté.

 

DISCUSSION:

L’euthanasie est, après la maîtrise de la procréation, une étape de plus dans l’acquisition par les humains du contrôle sur leur existence.

Les principes d’éthique sociétale qui sous-tendent le Modèle belge de Soins à la Fin de la Vie sont l’autodétermination des citoyens, l’obligation des médecins de rendre compte et le respect du pluralisme des attitudes religieuses et philosophiques des patients et des soignants.

L’expérience belge mérite d’être portée à l’attention d’autres pays.

 

Extrait des références:

Bernheim JL, Deschepper R, Distelmans W, Mullie A, Bilsen J, Deliens L.

Development of palliative care and legalisation of euthanasia: antagonism or synergy?

Brit.Med.J. 336: 864-867, 2008.

Bernheim JL, Mullie A. Euthanasia and Palliative Care in Belgium: Legitimate Concerns and

Unsubstantiated Grievances. J Palliative Medicine 13, (7): 798-799, 2010.

 

document transmis par le Dr Senet, France, exerçant en soins palliatifs et militant pour le droit à l'euthanasie.

 

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