4 Janvier 2012
Je reçois une page du dernier livre – avril 2011- de Bernard Pivot : « vieillir, c'est chiant... »
un riche qui se pavane dans la morosité à la mode? un oublieux de ce que la vie lui a déjà apporté?
moi, je ne suis pas du tout d’accord:
vieillir, pour moi, c’est formidable: d’abord çà veut dire qu’on a vécu,et espérons-le, bien vécu, ou pas mal:
on a passé la jeunesse, ouf! cette horreur pour moi:
on est dépendant de ses parents,
on est mal dans sa peau, on ne sait pas prendre les décisions, on n’ose pas... pour plein de choses...
on a passé l’âge mûr, celui du mariage (ou non), celui de l’éducation des enfants (ou non), celui du travail obligé, qui vous prend votre temps personnel, oh combien! (on n’a pas le temps de lire, de se poser, de réfléchir... on vit sans s’en rendre compte... )
on a passé les doutes amoureux, les divorces ou disputes, séparations... on a pris du recul par rapport à tout çà
on peut enfin être soi-même, humain libre, indépendant, qui choisit, qui gère, qui renonce (la vie n’est faite que de renoncements, c’est le choix qui implique évidemment un non-choix, donc un renoncement), qui vit chaque jour pleinement, sans trop s’occuper ni du passé ni de l’avenir.
on a le temps de lire, le temps des rencontres, le temps de réfléchir, d’écouter de la musique, le temps de faire, de créer, de choisir : rien ne nous presse, on peut cultiver la lenteur et l'approfondissement
on peut apprendre du nouveau chaque jour, dans tous les domaines qui nous intéressent
on est libéré des obligations de “soutien de famille”, de travail obligé pour gagner sa vie,
pourvu qu’on ait une retraite pas trop mince ... plus dur pour les pauvres...
(ce n’est probablement pas le cas de Pivot, je pense qu’il n’a pas de problème d’argent)
je ne suis pas du tout d’accord avec lui lorsqu’il dit:
“lutter contre le vieillissement, c’est ne renoncer à rien...“
le renoncement, c’est le choix, c’est l’avancée de la vie, jeune ou vieux...
donc ne renoncer à rien, c’est ne pas vivre!
et pourquoi faudrait-il “lutter” contre le vieillissement, serait-ce un ennemi?
le vieillissement, c’est d'abord vivre,atteindre ou approcher la sagesse antique, peut-être... il ne sert à rien de lutter contre la vie...on lutte plutôt pour vivre !
comment définit-on la jeunesse ou la vieillesse? c’est très relatif... on est toujours jeune pour l’un et vieux pour l’autre... sauf peut-être passé 100 ans?
ma mère me trouve jeune, car je suis plus jeune qu’elle, et çà restera... au-delà même de la mort...
elle a vécu une autre vie, un autre “siècle”, une autre génération...
mes enfants et mes petits enfants me trouvent vieille (et j’y tiens, je leur ai appris çà, surtout aux petits enfants), car je suis plus âgée qu’eux, évidemment...
mes élèves de 20 ans me trouvaient vieille alors que j’en avais 23!!! mais j’avais la place du prof! l’autorité!
nos élèves en collège trouvaient tous les profs vieux et du même âge alors que nos âges s’étalaient à l’époque de 23 à 45 ans, et que nous, les jeunes profs, on attendait beaucoup de l’expérience des “vieux” profs...: ma collègue (vieille de 45 ans!) s’était amusée à faire une enquête là-dessus...pour nous rassurer, nous les jeunes de 25 ans, assez nombreux, et pas du tout sûrs de nous... , on pensait que les enfants voyaient notre inexpérience et notre jeunesse, et bien non!
ensuite, un certain âge se voit sur notre figure, et alors? est-ce mieux ou pas d’être lisse ou ridé? j’aime beaucoup les portraits de vieux ou vieilles très ridés... la vie est marquée sur eux, avec ses joies et ses peines, son expérience, c'est magnifique !
est-ce mieux ou pas d’avoir peut-être moins de mobilité? je dis bien peut-être, car des “vieux” sont très agiles encore pendant que des “jeunes” sont handicapés... :
l’idée que les vieux sont plus malades que les jeunes me parait totalement fausse, on est malade à tout âge, dès la naissance et jusqu’à la mort, et parfois moins en vieillissant (c’est mon cas, et je ne suis pas la seule), elle est véhiculée par des assureurs qui veulent gagner de l’argent sur la crédulité et la peur.
je suis seulement d’accord avec Pivot lorsqu’il dit qu’il faut considérer la vie comme un usufruit, dont il faut jouir, avec ou sans modération, selon notre envie et les circonstances...
car pourquoi sans modération? cela me parait stupide... la jouissance stoicienne ou épicurienne n’est pas une jouissance sans modération, les excès étant toujours nocifs...
après l’usage de la vie, il y a la mort, qui cesse tout pour nous, même si nos idées, nos amour perdurent quelque temps dans l’esprit de nos proches, et plus longtemps pour les grands créateurs de génie.
mourrons sans “regrets ni remords, ordures de l’esprit”, phrase de je ne sais pas qui, sujet de ma dissertation au bac, et que j’ai toujours pris comme maxime essentielle.
mourrons contents d’avoir bien vécu, que ce soit peu de temps ou longtemps, peu importe.
et que vogue la galère!