18 Mai 2014
MA VIE M'APPARTIENT... MA MORT AUSSI.
CAR MA VIE M’APPARTIENT…
par Sylviane Bourgeteau, Journaliste-écrivaine
paru sur le site de AAVIVRE … sa fin de vie : www.aavivre.fr, rubrique : à discuter.
« Elle n’appartient ni aux médecins, ni à l’hôpital, ni à l’État.
Aucun texte de loi, à ma connaissance, ne stipule qu’à sa naissance, un individu appartiendra à un autre. Et, comme tel en fut le cas dans l’histoire de l’humanité, cette époque est révolue. Internationalement condamnée depuis le 2 décembre 1949.
Cet individu, vous ou moi, sera sous la responsabilité civile de ses parents jusqu’à sa majorité.
Puis, il sera parfois amené à « confier » sa vie à son médecin traitant, ou à un spécialiste ou encore à un chef de service hospitalier et son équipe. Confier voulant dire « remettre quelqu'un ou quelque chose à la garde, aux soins d'une personne dont on est sûr. »
Nous leur dirons donc, « je vous confie ma santé donc ma vie » mais jamais nous ne leur disons « je vous donne ma vie, elle vous appartient ».
Ainsi, comme notre vie nous appartient, son terme, notre mort, nous appartient aussi.
Le refus de nombre de praticiens à mettre un terme à la vie d’une personne en « phase terminale» -qui le demande expressément et consciemment- équivaut à mon sens à une attitude d’une arrogance et d’une présomption inacceptable. Et parfois d’une immense cruauté lorsque l’agonie devient synonyme de supplice et que l’image du médecin se superpose à celle d’un bourreau.
Ce refus signifie : « tu m’appartiens, j’ai le pouvoir de vie et de mort sur toi, et je te refuse la mort que tu me demandes même si j’ai le savoir pour te l’octroyer».
Nous nous retrouvons donc « esclave » du milieu médical dans le sens de sa définition usuelle : « personne qui n'est pas de condition libre et se trouve sous la dépendance absolue d'un maître dont elle est la propriété ».
Trop souvent, les médecins justifient leur refus en se réfugiant derrière le Serment d’Hippocrate qu’ils ont un jour prononcé et dont le message essentiel est: Primum non nocere ce qui signifie « d'abord, ne pas nuire ».
Puis, la main levée, ils affirment que « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. » Ce qu’ils font au quotidien et ce dont nous les remercions.
Enfin,ils promettent solennellement de respecter « ... toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. »
Dans aucune ligne du Serment, il n’est précisé que « je les maintiendrai en vie contre leur volonté » ou « la seule décision sera la mienne car ils m’appartiendront »!
À l’opposé.
Ils promettent de « respecter notre volonté… nos convictions… et d’intervenir lorsque notre intégrité ou notre dignité sera menacée ».
Alors, lorsqu’un malade leur dit ou a au préalable écrit à leur intention dans ses directives anticipées « je vous demande de respecter ma volonté, mes convictions et de mettre un terme à mes souffrances et à ma vie car mon intégrité a atteint un point de non-retour et je suis au-delà de ce que j’estime être le seuil de ma dignité »… pourquoi nombre d’entre eux refusent et ne respectent plus le Serment qu’ils ont un jour prononcé ?
Pourquoi agissent-ils comme si, à l’épilogue de notre vie, le peu de temps qu’il nous reste leur appartient ? Pourquoi cette appropriation abusive de notre corps et de notre personne ?
À l’antithèse du message essentiel qu’Hippocrate nous a légué voilà 2400 ans : Primum non nocere, « d'abord, ne pas nuire ».
Ne pas nuire à nos convictions, ne pas nuire à notre volonté.
Nous devons donc agir tous ensemble pour que le milieu médical soit libéré de ce que nous considérons comme une interprétation impropre du Serment d’Hippocrate et à cette fin nous devons exiger de l’État, qui sur cette même interprétation le sanctionne et parfois l’emprisonne, que soit rédigée, sanctionnée et exécutée au plus vite une Loi qui reconnaîtra notre droit légitime à disposer de nous-même, comme nous l’avons fait librement tout au long de notre vie.
Une Loi qui permettra enfin l’accomplissement légal de nos directives anticipées.
Au-delà de ce fragment du Serment d’Hippocrate qui précise « Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité ». Mais, ne l’oublions pas : l’humanité, c’est nous tous !
Et les lois évoluant immuablement au fil du temps, l’heure est arrivée pour l’État et le gouvernement que nous avons nommé et qui se doit de garantir la validité de nos décisions de légiférer sur le droit à une fin de vie dans la dignité. Le droit à l’euthanasie lorsqu’elle est personnellement et consciemment sollicitée.
Ainsi, le milieu médical pourra « faire usage, sans contrainte, de ses connaissances dans le cadre des lois de l’humanité et de la République ».
Et alors nous pourrons mourir libres car notre vie comme notre mort nous appartiennent.